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Publié le septembre 9th, 2009 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs

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Prédication de Stéphane Lavignotte, pasteur de la Maison Verte

La Maison Verte est signataire de la charte du CCI et Stéphane est un membre très actif de notre association. Il a partagé avec nous le texte de sa prédication de dimanche dernier – une parole inspirante sur l’inclusivité.

Qoeleth 1.12-2.11 ; Esaïe 35,4-7 ; Jacques 2,1-5 ; Marc 7,31-37

31. Jésus quitta le territoire de Tyr, et revint par Sidon vers la mer de Galilée, en traversant le pays de la Décapole.

32. On lui amena un sourd, qui avait de la difficulté à parler, et on le pria de lui imposer les mains.

33. Il le prit à part loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa propre salive ;

34. puis, levant les yeux au ciel, il soupira, et dit : Éphphatha, c’est-à-dire, ouvre-toi.

35. Aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia, et il parla très bien.

36. Jésus leur recommanda de n’en parler à personne ; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent.

37. Ils étaient dans le plus grand étonnement, et disaient : Il fait tout à merveille ; même il fait entendre les sourds, et parler les muets.

Dans cette histoire, il y a deux guérisons réussies et une guérison qui reste à faire. La guérison réussie, c’est bien sûr celle du sourd et muet.

On peut se demander ce qui a été soigné : est-ce parce que dorénavant il entend qu’il peut enfin parler ? Sans doute. Cette guérison a-t-elle été facile ? Peut-être que non, comme le laisse entendre ce soupir poussé vers le ciel par Jésus. Toujours est-il qu’il parlait avec peine, et que maintenant, il parle correctement.

Est-il seulement soigné de sa difficulté à entendre et parler ? Il est aussi soigné d’autre chose. Au début, il n’est qu’un objet baladé par les autres. Il est amené – « porté » en grec – par la foule. Il est soigné alors qu’il ne demandait rien. Il est passif, et tout le monde semble décider pour lui. Il n’est pas une personne : il est un objet.

Jésus lui offre autre chose : Il le sort de la foule, il n’est plus mêlé à la foule, il est mis à part. La guérison se développe loin de la masse, dans une relation de personne à personne. Il n’est plus un handicapé, une personne moindre, il est un individu qui est regardé par un autre individu.

Le sourd – comme l’aveugle plus loin dans l’Evangile, qui lui aussi est mis à part pour une guérison – n’est plus l’objet d’une foule qui l’utilise pour une guérison/tour de magie, il n’est plus une bête de foire confiée à un prestidigitateur. Il est l’objet unique de l’attention de Jésus, il est à nouveau individualisé.

Il est aussi guéri de cela : d’objet d’une foule, il devient le vis-à-vis d’une autre personne et donc une personne à son tour.

Qui d’autres est soigné ? Qui d’autre profite d’une guérison ? Le second à profiter de la guérison de Jésus, c’est Jésus lui-même.

De quoi Jésus était-il malade ? Il avait deux maladies.

La première est une atrophie de sa sollicitude. Un rétrécissement messianique. Je m’explique. Où se passe cette scène ? Elle se passe en territoire païen. Les personnes qui demandent à être soignées ne sont pas juives. Que s’est-il passé au début du chapitre ?

Il a été interpellé par des pharisiens. Ils reprochent à Jésus et à ses disciples de ne pas respecter la loi juive et de manger avec les impures et donc notamment les païens. Et il riposte : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu et vous vous attachez à la tradition des hommes. » (7,8) Il proclame que la loi de l’amour de Dieu et du prochain doivent passer au dessus des lois crées par les humains.

Ca c’est le discours de Jésus. Mais Jésus a du mal à passer de ce discours aux actes. Que s’est-il passé juste avant cette scène ? Une femme syro-phénicienne – donc païenne – lui a demandé d’intervenir. Il a d’abord refusé en arguant qu’elle n’était pas juive – « il ne serait pas convenant de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens ». Elle lui a répondu que « les petits chiens sous la table mangent les miettes qui tombent de la table des enfants. »

Secoué par cette interpellation de la femme – digne d’un Jésus répondant aux pharisiens – il a accepté de la soigner.

Là, devant le sourd – païen comme la femme – Jésus s’exécute sans rien dire. Il le soigne non seulement sans que le sourd n’ait à argumenter, mais sans qu’il ne demande rien.

Et que se passe-t-il juste après cet épisode après le sourd ? Il va faire une multiplication des pains. Il a déjà opéré ce miracle plus tôt dans l’évangile, mais en territoire juif. Là, il va le faire en territoire païen, pour des païens.

Voilà la première guérison de Jésus : Il apprend que le projet que Dieu lui a confié déborde les frontières de son ethnie, de sa culture religieuse, des barrières de genre, de handicap, de ce qui est « normal », de ce qui est sa norme de référence.

Il est guéri de l’atrophie de son projet messianique. Il ne laisse plus sa sollicitude être bridée par toutes ces barrières : il est guéri d’une atrophie de l’amour du prochain qui menaçait gravement son projet messianique.

Mais il y a encore autre chose dont il est guéri. Il avait une autre maladie liée à la première. Laquelle ? Avez-vous retenu comment se déroule sa guérison ?

Dans Marc, les guérisons passent toutes par des mots prononcés, et des mains qui sont posées sur une personne. Là Jésus fait autrement.

La personne est sourde, elle n’entend pas. Certes, il y a un mot, un seul. Il lui fait peut-être lire sur les lèvres – « il le dit à l’homme » précise le texte.

Mais surtout, cela passe par des gestes avant de passer par des mots. Cela passe par des gestes précis, par les doigts et la salive de Jésus qui vont toucher où est le mal, qui désignent là où est le problème – les oreilles, la langue.

Il n’est plus question d’un geste stéréotypé de guérison, mais d’une série de gestes, uniques dans tout l’Evangile, développés une seule fois, pour cette personne sourde, en propre, « kat idan » « selon son particulier » (v.33) dit le texte.

Jésus avait la même maladie que celle que nous sommes beaucoup à avoir, que beaucoup de nos églises, institutions, médias ont : le conformisme qui exclut sans le vouloir.

Communiquer de la même manière avec tout le monde, et en faisant cela, exclure beaucoup de monde, car la manière courante, majoritaire, « normale » de communiquer, d’accueillir, de parler est finalement comprise par peu de monde.

Jésus passe du conformisme qui exclut à ce que le Conseil oecuménique des églises, et de nombreuses églises du Sud ou du monde anglo-saxon appellent d’un nom étrange : « l’inclusivité ». Quand nos habitudes, nos façons « majoritaires » excluent – souvent sans le vouloir – les autres, les minorités, les gens différents, l’inclusivité c’est chercher les mots et les gestes qui incluent, qui font une place.

Regardons ce que fait Jésus. Il fait deux choses. il touche là où se trouve le problème : les oreilles, la langue. Les églises inclusives commencent par oser dire aux personnes concernées là où se trouve le problème : « Oui, nous églises, nous avons du mal à vous accueillir, vous qui êtes des indigènes, des pauvres, des handicapés, des personnes gays et lesbiennes. Nous mettons le doigt là où ça nous fait mal et là où ça vous fait mal. »

Et ensuite, comme Jésus, elles trouvent des signes – intégrer des éléments de culture indigène dans leurs cultes – des mots – par exemple traduire les cultes en langue des signes – pour parler à la personne dans sa langue, « selon son particulier », comme dit le texte de l’évangile.

Le sourd est soigné, Jésus l’est aussi. Mais alors, pour qui la guérison échoue-t-elle ? Pour la foule.

De quoi la foule est-elle malade et n’est pas guérie ? Restons d’abord sur la même idée qu’auparavant.

On nous dit que l’homme « parlait avec peine », et si surtout, son problème était qu’il était « entendu » avec peine ? Si le problème était qu’au départ, la foule et son entourage n’ait pas fait l’effort de l’écouter, à tel point qu’on veut le soigner alors qu’il ne demande rien ?

La foule ne fait pas l’effort de l’écouter, et bien sûr, elle ne fait aucun effort pour communiquer avec lui. Elle ne fait pas l’effort de parler dans sa langue, avec des gestes comme le fait Jésus. Au début, non seulement, elle décide pour lui et ne cherche pas à communiquer, mais elle le promène comme un paquet, un objet.

Et à la fin, elle n’est pas guérie, elle ne s’intéresse toujours pas à lui comme personne. Elle ne parle pas de lui, elle parle tout de suite de généralités : Jésus « fait parler les sourds et les muets. » La maladie de la foule c’est qu’elle ne fait pas l’effort de s’intéresser à l’individu, à la personne.

Comment pourrait-on appeler cette maladie ? Cette façon de ne pas voir Ibrahim et Fanta mais « des noirs » ? Jacques et Anne, mais « des cathos » ? Pierre et Youssef mais des « gauchistes » ? Bernard et Roger mais des « pédés » ?

Certes, c’est aussi une forme de conformisme qui exclut, de panne de la sollicitude, mais d’abord une façon de ne voir le monde que par sacs, par groupes, en généralités, voir les choses « en gros ». Comment appeler cela : La « grossièreté » ? la « généralissime » ? Le syndrome du sac ?

Mais surtout, en faisant cela, la foule passe à côté de Jésus, et c’est pour cela, que peut-être elle n’est pas soignée. Elle est incapable de percevoir et de rentrer dans la relation d’individu à individu qu’instaure Jésus, car elle cherche du secret, du miracle, de la puissance.

Quelque chose de bien spectaculaire qu’elle peut aller proclamer partout, et ainsi se mettre elle-même en avant en disant : « Hé, vous savez ce que MOI j’ai vu ? »

Car c’est bien cela qui l’intéresse, et c’est pour cela que Jésus peut bien lui demander de se taire, il n’aura aucune chance d’être entendue par cette foule qui n’a aucune envie d’entendre, de rencontrer, qui n’a qu’une seule envie : classer, juger, pour pérorer, proclamer…

Faisant cela, elle loupe Jésus, elle loupe ce que le sourd, lui a vécu avec Jésus.

Il n’y a pas de « secret » à « dévoiler », pas de scoop à publier en Une, pas de mystère qui permette de frimer sur les routes de Galilée ou les plateaux télé, mais un chemin de vie sur lequel le sourd a commencé à marcher, une expérience dont il faut être acteur – la foule est spectatrice, le sourd acteur -, une expérience qui commence par une rencontre, un échange, avec une personne, un par un.

Et donc finalement, les malades et les guéris ne sont pas forcément ceux qu’on croit.

Ceux qui se croient bien portants, qui amènent des sourds pour qu’ils soient soignés, sont peut-être ceux qui restent à soigner.

Quand des enfants de milieux défavorisés vont en vacances dans des familles protestantes, qui est le bien portant, qui sera guéri ?

Quand nos braderies et vestiaires reçoivent des vêtements de certains et les donnent à d’autres, qui est le bien portant, qui sera guéri ?

Quand nos églises mettent en place un culte accessible à des sourds et malentendants, qui est le bien portant, qui sera guéri ?

Quand une église ou une entreprise met fin aux discriminations envers les personnes gays ou lesbiennes, qui est le bien portant, qui sera guéri ?

Qui est le bien portant, qui sera guéri ? Qui reste dans le syndrome du paquet, dans la grossièreté, dans le généralissime, qui rentre dans un cheminement de la rencontre, dans l’expérience de la rencontre de l’autre, dans la relation de personne à personne ?

Ouvrez les paquets, vous y trouvrez des cadeaux.


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