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Publié le novembre 5th, 2014 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs

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Réflexions à l’occasion de ce « fameux » Synode sur la famille qui a eu lieu à Rome ces jours derniers…

Par François-Xavier
Je n’attendais rien de ce Synode, je n’ai donc pas été déçu, mais je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur le statut de ces paroles qui ont fait tant de bruit pour si peu, du moins en apparence…
En effet, comment ne pas se demander ce qui autorise des hiérarques, tous mâles, célibataires (du moins, officiellement…) à décider de l’accès ou non aux sacrements de certain.e.s et de la légitimité ou pas de l’état de vie de millions de croyants ?
Comment des « prélats » (cardinaux, évêques, prêtres, etc.) d’une Eglise qui a couvert (et couvre encore parfois…) des crimes de pédophilie peuvent-ils prendre la parole sur ce qui est bon ou pas pour LA Famillle (et pas seulement chrétienne en plus, tant qu’à faire !) ?
Comment ces « prélats », dont un certain nombre (voire, ici ou là, un nombre certain) ont femme(s) et enfant(s) non légitimes, peuvent-ils prendre la parole sur la légitimité ou pas d’un remariage ?
Comment des « prélats » d’une Eglise qui a infériorisé les femmes pendant des siècles, posture en opposition totale avec l’Evangile, peuvent-ils prendre la parole sur ce que les femmes peuvent faire ou pas de leur corps, et quel genre de vie elles doivent mener, ce à quoi elles peuvent avoir accès ou pas dans l’Eglise, etc. ?
Comment des « prélats » dont un certain nombre (voire, ici ou là, un nombre certain) sont de condition homosexuelle (assumée ou pas), avec parfois une double vie (et/ou une vie double) tout en condamnant officiellement l’homosexualité (pas seulement les actes !), peuvent-ils prendre la parole sur la place des personnes homosexuelles dans l’Eglise et dans la société, légiférer sur ce à quoi elles auraient droit ou pas, etc. ?
Comment des « prélats » d’une Eglise qui a porté au pinacle la vie religieuse pendant des siècles comme seule véritable modèle de vie chrétienne, au détriment du mariage et de la famille, peuvent-ils aujourd’hui prendre la parole pour affirmer que la famille est le premier bien de cette Eglise ?
Comment des « prélats » d’une Eglise dont le Christ affirme que ce ne sont pas les liens du sang qui priment pour le suivre mais les liens de la fraternité spirituelle (parce que, lui-même, apparemment, ne serait pas né « comme tout le monde » d’un papa et d’une maman hétéro…) peuvent-ils prendre la parole pour condamner d’autres formes d’engendrement et d’enfantement ?
Toutes ces questions (et il y en aurait sans doute beaucoup d’autres à joindre à cette litanie trop courte…) sont intimement liées entre elles, bien entendu. Quelle pourrait-être la réponse ? En voici une, parmi d’autres sans doute possibles : tout simplement, parce qu’ils « ne parlent pas » !… Deuxième réponse possible : parce qu’ils ne veulent pas lâcher le pouvoir qu’ils s’arrogent ou croient avoir sur les consciences de leurs « ouailles », le même que celui des scribes et pharisiens « hypocrites[1] » qui ont fait condamner un pauvre homme de Nazareth… En fait, c’est la même réponse !
 
A partir de là, le mal-entendu demeure total sur « l’accueil » que ces prélats prétendent réserver et encourager dans l’Eglise catholique (et en dehors), en ce qui concernent les personnes qui ne suivraient pas les préceptes moraux avec lesquels ils cherchent à faire sentir leur petit pouvoir[2] :
– d’une part, parce que ces préceptes sont présentés comme un « idéal », alors que l’évangile est tout sauf un idéal à vivre sous une forme unique, mais il est un chemin de vie sur lequel marche avec nous une personne, le Christ ;
– d’autre part et surtout, parce que de nombreuses personnes concernées attendent un accueil inconditionnel, à égalité avec les autres baptisés, car elles ne se considèrent pas « en état de péché » ou comme des « brebis égarées » ou vivant dans « des situations qui ont des manques objectifs » (cardinal Schönborn), et encore moins comme des personnes dont les actes ne seraient pas en harmonie avec le dessein créateur de Dieu, du fait qu’elles vivent sur le plan personnel, familial et sexuel une situation qui ne serait pas en conformité avec tous les attendus de la morale catholique[3].
Or, ces prélats considèrent toute autre forme d’union comme « imparfaite », voire totalement peccamineuse.
 
Dès lors, à qui s’adressait en réalité ce texte synodal « à deux volets » qui a fait tant de buzz et qui pourtant n’a, rappelons-le, aucune valeur magistérielle ou disciplinaire (distinction très importante en régime catholique officiel) ? Reprenons les paragraphes concernés (c’est moi qui souligne en gras) :
– dans le texte initial à mi-parcours du Synode :
 
« Accueillir les personnes homosexuelles
50. Les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne : sommes-nous en mesure d’accueillir ces personnes en leur garantissant un espace de fraternité dans nos communautés? Souvent elles souhaitent rencontrer une Église qui soit une maison accueillante. Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage ?
51. La question homosexuelle nous appelle à une réflexion sérieusesur comment élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle : elle se présente donc comme un défi éducatif important. L’Église affirme, par ailleurs, que les unions entre des personnes du même sexe ne peuvent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme. Il n’est même pas acceptable que l’on veuille exercer des pressions sur l’attitude des pasteurs, ou que des organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender.
52. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Église prête une attention spéciale aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe[4], en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang. »
 
– ce qu’il en reste dans le rapport final soumis aux votes :
La pastorale des personnes avec une orientation homosexuelle
55. Certaines familles vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes ayant une orientation homosexuelle. À cet égard, nous nous sommes interrogés sur l’attention pastorale il convient d’avoir face à cette situation en se référant à ce que l’Eglise enseigne : « Il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir analogies, même lointaines, les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Néanmoins, les hommes et les femmes ayant des tendances homosexuelles doivent être accueillis avec respect et sensibilité. « A leur égard, on évitera toute marque de discrimination injuste» (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, 4).
56. Il est totalement inacceptable que les pasteurs de l’Eglise soient soumis à des pressions dans ce domaine et que les organisations internationales conditionnent l’aide financière aux pays pauvres à l’introduction de lois qui établissent le «mariage» entre personnes du même sexe.
Si l’on met ces textes en regard des paragraphes du Catéchisme de l’Eglise catholique, en particulier le n. 2358, on s’aperçoit qu’on n’a pas beaucoup avancé depuis 1992 :
 
Chasteté et homosexualité[5]
2357. L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19,1-29 ; Rm 1,24-27 ; 1 Co 6,10 ; 1 Tm 1,10), la Tradition a toujours déclaré que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés[6] » (CDF, décl. « Persona humana », 8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.
2358. Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition.
2359. Les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté. Par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure, quelquefois par le soutien d’une amitié désintéressée, par la prière et la grâce sacramentelle, elles peuvent et doivent se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection chrétienne.
 
En réalité, après avoir trouvé ce texte synodal condescendant[7], je crois que ce texte en deux temps du Synode sur la famille (rapport de mi-étape et rapport final) ne nous est pas adressé, mais qu’il s’adresse à ces prélats eux-mêmes et à toutes les personnes qui pensent comme eux, au moins sur deux point :
1/ Il officialise publiquement et à leurs oreilles des positions contrastées, voire contradictoires, dans la bouche de prélats placés au plus haut dans la hiérarchie, là où l’Eglise catholique avait plutôt pour habitude de museler avec ce souci quasi obsessionnel du centralisme romain de l’unité par l’uniformité de pensée et de parole. Comment faire, en effet, pour que tout le monde prie pareil, croie pareil, vive pareil (vieille tentation de la tour de Babel !) ?
Or, même si les paragraphes concernant les divorcés-remariés et les personnes homosexuelles n’ont pas obtenu la majorité des deux tiers, ils ont obtenu plus de 50% des voix[8], ce qui n’est déjà pas si mal, compte tenu d’où l’on part !
En ce sens, la liberté de parole et d’idées voulue par le pape François au sein de l’aula synodale n’est pas seulement l’introduction d’une forme de débat « démocratique » au sein d’une quasi « monarchie théocratique » qui n’en a guère l’habitude !… C’est déjà énorme, me direz-vous, là où certaines religions ou confessions sont peu enclines, encore aujourd’hui, à débattre en leur sein, de ce qui, selon elles, ne peut relever de l’opinion mais uniquement du dogme ou des principes établis une fois pour toutes.
2/ Mais ce texte sonne aussi et surtout comme un appel à la conversion du cœur des pères synodaux et du monde catholique, c’est-à-dire :
– une invitation à commencer par « avoir un regard positif sur les personnes » (cardinal Schönborn), quelles que soient leurs situations de vie,
– une invitation à découvrir (oui, certains en sont encore là !) que les personnes concernées par l’homosexualité ne sont pas « des hétéros qui ont mal tourné », car il n’y aurait pas de place dans le plan divin pour l’homosexualité, mais bien des personnes homosexuelles « à part entière », si je puis dire ! (On regrettera en ce sens le changement significatif dans le titre entre le premier et le second texte qui a été soumis aux votes) ;
– une invitation à faire évoluer les mentalités, là où il y a encore un grand « besoin de mûrissement et de réflexion », ce qui est loin d’être évident pour beaucoup de prélats et de laïcs catholiques, en particulier mais pas seulement, pour ceux qui vivent dans une culture et un pays où l’homosexualité reste, plus fortement qu’ailleurs, un tabou, voire une source d’emprisonnement ou de condamnation à mort.
 
            Cet appel à la conversion, le pape François l’a voulu, encouragé et amplifié car il sait que « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur[9]. » (2 Samuel 16,7). Dans son homélie du 31 octobre 2014 à Sainte-Marthe sur l’évangile qui rapporte la conversation de Jésus avec les Pharisiens (où il les interroge sur la légitimité d’une guérison le jour du sabbat, puis il guérit un malade et eux, répondent par le silence), le pape commente ainsi :
 
« Ce choix de vivre attachés à la loi les éloignait de l’amour et de la justice. Ils s’occupaient de la loi, mais ils négligeaient la justice. Ils respectaient la loi, mais négligeaient l’amour. Ils se considéraient comme des modèles. Et c’est pour cela que Jésus pour ces gens n’avaient qu’un mot : des hypocrites. Ils cherchaient partout des prosélytes et puis ? Ils fermaient la porte. Des hommes de fermeture, des hommes tellement attachés à la loi, à la lettre de la loi, non pas à la loi qui est celle de l’amour, mais à la lettre de la loi qui ferme les portes de l’espérance, de l’amour, du salut… Des hommes qui ne savaient que fermer. (…) Le chemin pour être fidèles à la loi, sans négliger la justice, sans négliger l’amour, c’est le chemin inverse : de l’amour à l’intégrité, de l’amour au discernement, de l’amour à la loi. (…) « Voilà la route que Jésus nous enseigne, totalement opposée à celle des docteurs de la loi. Et cette route de l’amour à la justice conduit à Dieu. Inversement, l’autre route, celle de l’attachement exclusif à la loi – à la lettre de la loi -, conduit à la fermeture, conduit à l’égoïsme. La route qui va de l’amour à la connaissance et au discernement, à la pleine réalisation, conduit à la sainteté, au salut, à la rencontre avec Jésus. Au contraire, l’autre route conduit à l’égoïsme, à l’orgueil, qui consiste à se considérer comme des justes : c’est « une sainteté des apparences ». »
 
Espérons que, d’ici la prochaine étape du synode en octobre 2015, il soit un tant soit peu entendu !…


[1] L’un des sens originels d’ « hypocrite » désigne l’acteur théâtre qui joue un rôle et ne fait que répéter ce qu’il a appris.
[2] Voici ce que rappelait le tristement célèbre « Mgr » Anatrella dans une interview au cours du Synode : « Si l’on désire vivre en chrétien, encore faut-il assumer toutes les conséquences, à la fois anthropologiques et morales, de la foi catholique pour avoir accès aux sacrements. »
[3] Rappelons ici qu’aujourd’hui, seul un couple hétérosexuel marié catholiquement, ne pratiquant pas la contraception artificielle, et ayant des relations sexuelles en vue de la procréation, n’est pas en état de péché, même si pendant longtemps le sacrement du mariage fut considéré comme un remède à la concupiscence : « Pour la pensée essentialiste, la nature même de la sexualité suppose que l’organe mâle qui convient se joigne à l’organe femelle qui convient, de la façon qui convient, dans les circonstances qui conviennent et pour les raisons qui conviennent. Tout le reste est contraire à la nature, et par conséquent à la morale. » (Toutefois, Jean-Paul II semble être le premier à avoir permis un certain plaisir des corps dans une relation conjugale hétérosexuelle sans but nécessairement procréatif : voir sa « Théologie du corps », Cerf, 2014).
[4] On notera que, « subtilement », le mot « parents » n’apparaît pas mais que les enfants vivent « seulement » avec des « couples du même sexe », niant ainsi tout lien de « parenté », même si le mot « couple » fait son apparition, là où certains refusent même d’’employer ce terme.
[5] Pour une « exégèse officielle » de ces trois paragraphes, on pourra lire l’article du p. Dominique Foyer sur le site de l’Eglise catholique en France :
http://www.eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/la-famille/vie-de-famille/369530-eglise-et-homosexualite/
[6] « L’Eglise ne dit pas que ces actes homosexuels sont sans aucune valeur, ni aucune portée : elle ne se prononce pas sur ce point, sauf à les qualifier de « désordonnés ». Ici, le latin du texte original est meilleur : inordinatos, qu’il vaudrait mieux rendre par « non-ordonnés » plutôt que par « désordonnés ». L’idée centrale est que ces actes ne sont pas en harmonie avec le dessein créateur de Dieu. » (D. Foyer ; voir note ci-dessus).
[7] J’ai été « heureux » d’apprendre que « les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne » ! Cela en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir dans la conscience de ces prélats…
[8] 118 pour, 62 contre, 3 abstentions (la majorité requiert aux deux-tiers 122 voix ; il se peut que parmi les 62 contre ou les 3 abstentions se trouvent des prélats « progressistes » estimant que ce paragraphe n’allait pas assez loin). « Cela ne signifie pas que ces paragraphes soient rejetés mais qu’il y a toujours du chemin à faire », ont commenté les porte-parole du Vatican, insistant que le document adopté n’est pas final mais servira au prochain Synode dans un an. Les trois paragraphes portant sur les divorcés-remariés et sur l’accueil des personnes homosexuelles restent donc ouverts à discussion : « Nous sommes dans un processus en cours ».
[9] Au sens biblique du terme, cela désigne l’être profond de toute la personne.


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