Carrefour d'idées
Publié le mai 19th, 2013 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs
0Anti-mariage pour tous, je veux croire que tu n’es pas homophobe mais…
A l’occasion de la journée contre l’homophobie, le pasteur Jürgen Grauling a écrit un billet pour le Nouvel Observateur Plus que nous reproduisons ici avec son autorisation.
« Un papa – une maman = 1 (des) enfant(s) ». Voilà le slogan que répètent ad nauseam les manifestants de la « Manip’ fourre-tout », tout en brandissant le Code civil, « intangible » à leurs yeux, et un fanion « maman-fifille en jupe d’un côté et papa-fiston de l’autre ».
Selon eux, l’intérêt supérieur de l’enfant serait la reconnaissance d’un seul type de famille, à l’exclusion de tous les autres. Seul l’enfant élevé par ses parents géniteurs et mariés, et à défaut par un couple hétérosexuel adoptif, bénéficierait des conditions nécessaires pour grandir et s’épanouir.
Une argumentation insultante
Ces « mani-pestants » se rendent-ils seulement compte que leur argumentation, loin de ne viser que les couples de personnes de même sexe :
– insulte les veufs et veuves et leurs enfants demi-orphelins
– méconnaît le Code civil et le droit des personnes seules à devenir adoptantes qui y est inscrit, et ce depuis 1966, droit instauré par un gouvernement conservateur à une époque où l’Église romaine avait autrement plus d’audience
– culpabilise toutes les familles monoparentales ou recomposées ?
Sans doute, mais à quoi bon s’embarrasser de ces détails ? Ils promènent et exhibent leur « normalité » socialement valorisée, en ignorant lequel de leurs enfants/neveux/nièces/petits cousins ou voisins qu’ils ont excités à participer à leurs happenings uniformes et équivoques, traînera demain son mal-être parce qu’il se découvrira différent, homosexuel ou trans-identitaire. Sans pouvoir s’ouvrir à son entourage. Intérêt supérieur de l’enfant, vous disiez ?
À trop vouloir distinguer « droit de l’enfant » et « droit à l’enfant », ils omettent sciemment de dire qu’eux-mêmes ont vivement souhaité, désiré, espéré des enfants avant de les procréer. Que parmi eux, il y a des couples qui ont eu recours à une forme d’assistance médicale à la procréation…
Le désir d’enfant n’est ni un droit à l’enfant ni suffisant pour l’élever, certes, mais tout de même drôlement souhaitable et bénéfique pour son accueil dans l’existence !
Il n’y pas qu’un seul modèle familial viable
Si la différence sexuée est indispensable pour concevoir, est-elle essentielle pour éduquer des enfants ?
Je ne veux pas cracher dans la soupe : j’ai grandi heureux dans une famille traditionnelle, avec mon frère, mon père et ma mère, et j’essaie d’offrir la même expérience aux trois enfants que nous avons eus avec ma femme.
Pour autant, je ne crois pas et je n’ai jamais cru qu’il s’agit là du seul modèle familial valable. Des couples hétérosexuels peuvent se révéler tout à fait inaptes à l’accueil d’enfants ; certaines personnes seules, des couples divorcés, recomposés ou de même sexe arrivent au contraire à déployer une énergie admirable afin d’offrir les meilleures conditions possibles pour leur épanouissement.
L’essentiel est donc ailleurs : l’amour, la stabilité affective même en cas de séparation ou de deuil, le respect de la particularité de chaque enfant, le refus d’en faire autant que possible les souffre-douleurs de ses propres désillusions et névroses ou les « porte-bonheurs » de ses propres rêves, une suffisance matérielle minimale, etc.
N’est-ce pas là l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Je les prends au mot
Les arguments avancés par les anti-adoption pour tous sont donc fallacieux. Si leur mouvement prend une telle ampleur aujourd’hui et n’a pas vu le jour à l’époque où l’on a introduit l’adoption monoparentale dans le Code civil ou ouvert la possibilité de l’assistance médicale à la procréation, il est permis d’en supposer les raisons cachées, inavouables et irrationnelles :
– la peur, voire le rejet de l’homosexualité,
– la méconnaissance des couples de personnes de même sexe,
– la nostalgie d’une répartition classique des rôles genrés entre hommes et femmes,
– l’opportunité pour une minorité conservatrice de s’affirmer aux dépens d’une autre minorité.
Néanmoins, je les prends au mot…
Je veux croire qu’ils se soucient réellement de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je veux croire que demain ils écouteront leur fille qui révèlerait son homosexualité, sans la rejeter.
Je veux croire que, par souci pour ce garçon de deux papas gays « privé de référent féminin », ils l’inviteront à jouer avec leurs fils et filles pour lui faire découvrir « une famille normale » et pour finir par se rendre compte qu’il est aussi heureux que leur enfant.
Je veux croire qu’ils éliront un jour une maman lesbienne comme déléguée parent, tout simplement parce qu’elle a des idées intéressantes.
Je veux croire que les « veilleurs » la mettront en veilleuse, leur méfiance, pour accueillir la différence.