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Publié le juin 8th, 2012 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs

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Homélie de Michel-Pierre « Il n’y a pas de honte à être aimé de Dieu »

Lors de notre retraite 2012 sur le théme « Y a pas de honte à être aimé-e-s de Dieu », Michel-Pierre nous a donné à entendre cette homélie que nous partageons aujourd’hui avec vous.

Au long de ces journées, avec bonheur et attention, j’ai écouté, regardé, réfléchi, prié comme vous sur ce thème. Au cours  de nos rencontres, conférences, échanges, dialogues et célébrations, une question n’a cessé de m’interroger : « Il n’y a pas de honte à être aimé de Dieu », oui ! Mais en quoi et pourquoi ? Deux paroles me revenaient  en mémoire; l’une d’Alexandre Soljenitsyne : «J’ai toujours vécu de pourquoi » ; l’autre d’André Malraux, peu avant sa mort, dans son dernier livre, « Lazare » (ce n’est peut-être pas un hasard) : « Il n’y a pas d’autres réponses aux questions de l’homme que l’approfondissement de ses questions. » L’une d’entre nous, à propos d’un atelier évoquait la « spirale en profondeur », cette ligne tournant autour du même axe, mais jamais au même niveau.
À la manière du promeneur dans un grand et vaste parc, comme de celui qui s’étend sous nos yeux, j’ai marché avec vous pendant ces trois jours, m’arrêtant plus attentivement près de trois parterres.
 Le premier, celui de la conscience, pour recueillir deux belles fleurs : le prix et l’identité.
« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix  et je t’aime » (Is 43,4). Quel est ce prix qui me fait si précieux dans le regard de Dieu ? En quoi suis-je pour lui un être étonnant, merveilleux ? Seigneur, je sais que tu m’aimes, mais au fond dans quel profond j’ai tant de prix à tes  yeux ?
« Je suis » (Ex 3,6). Dans le buisson ardent, Dieu s’est révélé à Moïse par cette expression « Je suis ». Ce Dieu qui dit de lui-même « je suis » me permet de dire  moi aussi « Je suis », car  Dieu ne peut se dire s’il ne le dit à quelque qui est, donc  qui peut dire aussi « je suis » ; ceci s’appelle une identité, j’ai une identité, je suis une identité, je suis identifié par ce Dieu qui me parle de lui, de son identité ; cette identité , ce « je suis » qui est mien, aux yeux de Dieu compte beaucoup,et me donne mon prix inestimable, ma valeur précieuse.
– Par révélation de Dieu, je reconnais mon identité, qui je suis, mais je ne le sais pas totalement ni parfaitement, car je ne suis pas Dieu. « Je suis », au plus profond, au plus intime de moi-même, et beaucoup plus riche, donc plus complexe que ce que j’en sais. Les autres peuvent aussi m’identifier avec mes caractéristiques personnelles, tel que je leur apparais ; ce n’est pas tâche facile, ils ne sont pas moi-même, ils ne me connaissent pas en mon être le plus intime.
– Dieu connaît parfaitement mon identité, c’est la raison pour laquelle ce que je suis d’un tel prix à ses yeux. Ce précieux que je suis, Dieu le qualifia dans l’acte créateur, il lui donne sa qualité. Quand il est créé le monde et les choses, la terre et les animaux, l’univers et des plantes, il nous est dit : « Dieu vit que cela était bon ». Mais quand il créé l’être humain, ce « bon » n’est pas suffisant, il n’est pas assez fort, il y a un manque ; l’Ecriture ajuste alors « Dieu vit que cela était très bon ». Ce « très bon » qualifie mon identité profonde et personnelle, l’être humain que je suis et qui me porte dans l’existence, ce point originel le plus intérieur de moi-même où jaillit mon « je suis » ; il  est pas repérable par moi-même, c’est l’acte par lequel Dieu me crée, c’est à ce point là que Dieu aime totalement, inconditionnellement et définitivement l’être humain que je suis.
– Au coeur du coeur de l’identité, nous pouvons aller plus loin pour rechercher, préciser, nommer ce plus précieux, où en moi repose et vit l’image divine ; nous l’appelons justement la conscience : non pas d’abord la conscience morale, qui est d’ordre pratique, mais ce que les philosophes appellent la conscience ontologique, la conscience d’exister, je suis, je sais que je suis.
– J’ai aimé entendre l’une d’entre nous, lors de la première causerie, parler de « l’examen de conscience » ; j’aime bien cette expression, mais uniquement dans le sens qu’elle a utilisé: « le lieu d’une prière d’alliance », ce lieu où je reçois ma vie comme un don du Dieu vivant, où je prends mon existence et mon identité, ou je prends conscience que je suis capable d’être moi-même. Etre créé et vivre en tant que tel, est bien un acte à l’intérieur d’une alliance, ce qui vaut bien une prière, bien mieux qu’un examen de conscience au sens moral voire « inquisiteur ».
– Dans un atelier, un texte proposé évoquait le fondement le plus profond de l’être, là où se fonde en nous notre conscience, « mon temple intérieur, le Saint des Saints, où personne d’autre que Dieu et moi-même ne peuvent pénétrer », un lieu d’alliance où je suis le « grand prêtre » pour développer le dialogue avec le créateur. Car ma conscience n’est pas simplement à usage rationnel, mais le  sanctuaire sacré, où se célèbre le culte véritable « en esprit et en vérité ».
Le deuxième parterre où je me suis arrêté, l’autorité ; j’y ai cueilli de magnifiques plantes en pleine floraison, en tout cas ces jours-ci : la liberté et la différence.
– Les théologiens, les philosophes, les artistes, les amoureux ont en commun cette affirmation que la liberté est le bien  propre de l’être humain. La liberté, on se bat pour elle, on se bat contre elle, elle est toujours là ; elle peut être exaltée ou bafouée, utile ou utilisée, libre ou emprisonnée, elle est toujours là, manifestation de notre conscience d’être humain, énergie de notre agir, force de  déploiement de nos potentialités au maximum de leur richesse, en assumant ce que nous sommes, en faisant monter du plus profond de notre être ce que nous sommes.
– C’est pourquoi, contrairement à ce que l’on peut dire ou penser, la liberté ne consiste pas d’abord à choisir entre le bien et le mal ; c’est une définition pratique mais tout à fait insatisfaisante, peuvant fausser beaucoup d’enjeux. Je suis libre pour me choisir, je suis libre pour me choisir comme être vivant et identifié, libre pour me choisir avec mes différences et même par mes différences, d’ailleurs sur notre carte d’identité on note quelques différences : couleur des yeux, taille. Mon identité profonde est composée de façon complexe, inextricable, avec ma nature physique, mon tempérament, mon éducation, mes inclinations, mon métier, mes valeurs, mes amours, mes échecs, mes fractures ; tout cela ne forme pas des approximations ou des paramètres plus ou moins agréables ou utiles, ils constituent mon terreau avce mes semences et  leurs promesses, tout ce ‘matériau’ que  je suis ; j’ exerce en pleine  conscience ma liberté de me choisir, choisir ce « très bon » que je suis aux yeux de Dieu, pour  le  faire fructifier et ainsi lui rendre grâce.
– Un verset du livre des Proverbes me plaît beaucoup, je le médite souvent : « Dieu créa l’homme à son image et le remit à son conseil  ; il ne s’agit pas ici du conseil de Dieu, mais du conseil de l’homme, l’homme en son conseil. Dieu créateur laisse l’homme à la charge de l’homme, à sa propre responsabilité d’homme; j’aime ici dire que ce conseil de l’homme est sa conscience, le lieu où siège ses conseillers personnels, la raison,  l’intelligence, la volonté ; mais ce conseil est présidé par la liberté, qui après discernement choisit.
– Mon conseil de conscience présidée par la liberté est donc appelé à exercer une tâche éminemment importante et grave, l’autorité. Selon la terminologie latine, autorité signifie : augmenter, croître, grandir, développer, épanouir. J’exerce mon autorité dans le conseil de ma conscience, sous la vigilance attentive et active de ma liberté pour grandir et me développer selon mon identité et toute mes capacités différentes et variées. L’expression ‘en mon âme et conscience’ renvoie à cet exercice de l’autorité, voila ma responsabilité.
– Je crois, pas simplement comme une opinion mais comme un acte de foi, je crois que là, en ma responsabilité, je suis  précieux aux yeux de Dieu, que là, il m’aime par-dessus tout, à cause de ce don qu’il m’a fait d’être remis à mon conseil, dans la liberté qu’il m’a donné, me choisir comme un bien, pour mon bien et le bien des autres.
– Cela rappelle le  texte de Paul Tillich,  travaillé hier, sur  le courage de l’individualisation et le courage de la participation, mais n’est-ce pas un seul et même courage que celui de choisir d’être et d’être avec d’autres êtres.
Enfin, du troisième parterre, je cueille cette plante apparemment épineuse, dont on peut se méfier: l’institution, avec celles qui  croissent et fleurissent tout prés : Jésus et l’Eglise.
– J’aime particulièrement l’institution, (hum !!!) celle de l’Eglise, mais à cause de cette phrase du proloque de Jean, véritable faire-part  étonnant,  déclaration d’amour de Dieu pour l’être humain : « le Verbe s’est fait chair ». Dieu, Fils éternel, Parole divine, épouse la chair de l’humanité, consent à la chair de l’humanité pour vivre avec elle une alliance nouvelle et éternelle , oui, dans la chair, avec la chair et pour la chair, au-delà de la mort. En quittant la chair terrestre dans sa mort, le Christ n’a pas abandonné à la terre la chair d’humanité, il l’a pris avec lui  en sa résurrection selon la chair, pour en faire une chair dans l’éternité. N’est pas pour cela, comme l’a exprimé avec une très juste intuition l’un de nous, que  « Jésus n’a jamais eu honte de la chair ? alors qu’il en a connu les besoins et les fragilités, les vulnérabilités et les blessures. «C’est par ses blessures que nous sommes sauvés », proclame, sans honte, l’apôtre Pierre.
– L’incarnation du Fils de Dieu, Parole éternelle dans la chair est un consentement charnel. Désormais dans notre chair d’humanité repose, vit, respire, se dit, se donne la Parole de Dieu. Son Verbe est dans la chair pour dire le sens de la chair comme le verbe dans la phrase en donne la signification. Depuis l’Incarnation, il n’y a plus de Parole divine définitive hors de la chair et dans toute chair ;  donc toute chair, sans  aucune exclusion, est habitée par une Parole de vie divine, elle en porte les semences, et capable d’en exprimer les croissances. Paul l’affirme : « La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche, elle est dans ton cœur» (Rom 10,8).
– Jésus n’a pas fondé une institution,  ni plus prolongé les institutions juives de son temps, le temple, les lois, les sacrifices ou le sacerdoce cultuel; il les a même déclarés caduques ; d’ailleurs de nombreux témoignages de l’Évangile nous signifient bien qu’il était plutôt anti institutionnel et même anticlérical ;d’ailleurs, ces institutions et leur clergé le lui ont bien rendu puisqu’ils l’ont conduit à la croix.
–  Jésus  n’a pas bâti un monument, il n’a pas écrit une constitution avec des lois et des décrets pour gérer ce qu’il transmettait aux apôtres. Mais alors, que leur a-t-il laissé ? Il les a institués dans le mystère de son Incarnation, il les a fondés dans le mystère de sa Paque, en sa mort et sa résurrection, il les a incarnés dans le mystère de sa chair eucharistique, son corps et son sang livré, versé entre leurs mains pour qu’il la perpétue jusqu’à la fin des temps. L’Eglise est instituée dans la chair du Christ, celle que nous nous lui avons donné, et qu’il nous a  rendue, chair pardonnée et réconciliée, chair guérie et ressuscitée, toujours livrée « pour nous et pour la multitude »,  afin nous ayons la vie en abondance. Ceci est « très bon » et de quel prix aux yeux de Dieu !
– Nous-mêmes, à la suite des apôtres et disciples, nous sommes institués dans la chair du Christ, puisque nous prenons et mangeons son corps, et buvons son sang ; nous sommes ainsi constitués en Eglise ; membre du Christ  et membre de l’Eglise, ceci est la force de notre témoignage d’amour pour l’humanité. Bien sûr, il faut quelques institutions,  organisations, lois communes, ministères et rites,  pour faire vivre la communauté, mais  ce n’est pas d’abord en eux que se  trouvent nos raisons de vivre, d’aimer et de croire.
– L’Eglise est extensible, sans limite ni frontière ; si on peut dire qui en fait parti, nul ne peut jamais dire qui n’en fait pas parti, puisque l’Eglise est ce corps organique et vivant tissé des relations de chacun avec le Christ Seigneur, dans la  communion fraternelle de nos compagnonnages  quotidiens.

Voici donc mon bouquet de fleurs, il me faut maintenant les lier d’un seul et symbolique ruban ;  je l’ai glané dans le chant de la prière de lundi matin « L’arc-en-ciel en signe d’alliance éternelle », en bel accord avec cette intuition du philosophe Jean Guitton : « La couleur est la gloire de la lumière. » La lumière descend d’une seule clarté en ligne droite et directe du ciel ; l’arc-en-ciel se compose de plusieurs et harmonieuses couleurs, se fréquentant de façon très proche, sans confusion ni exclusion, sur le mouvement d’une courbe souple reliant le ciel et la terre, sans que l’on sache si elle naît du ciel pour rejoindre la terre ou si elle jaillit de la terre pour s’unir au ciel. L’Eglise, chaque Eglise et toute Eglise, est ce signe qui relie la terre et le ciel où chacun est si précieux aux yeux de Dieu, en la conscience de son existence et dans le déploiement de ces différences. L’Eglise est ce signal entre le ciel et la terre pour dire cette alliance du Christ et de l’humanité. Devenons libres, et avec autorité, jouons la différence de nos existences en toute couleur, gloire de Dieu, notre lumière.

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