Publié le mars 28th, 2010 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs
0Luc 19 : 28-48
28 mars 2010, dimanche des Rameaux,
L’entrée messianique de Jésus à Jérusalem communément appelée « Jour des Rameaux » apparaît, à l’aube de la Semaine Sainte, comme un jour heureux, triomphant, dernière réjouissance avant la nuit de la Passion. Nous avons tous en tête les processions du jour des Rameaux, les images, les fleurs, les friandises accrochées par les enfants aux branches de laurier, de buis ou d’olivier. Pourtant nous pourrions bien passer à côté du sens profond de cette entrée triomphale du Seigneur.
Le texte proposé à notre méditation s’articule autour de deux moments qui s’éclairent l’un et l’autre. Celui de l’entrée triomphale et celui des larmes versées par Jésus sur Jérusalem. C’est la seconde fois que nous voyons Jésus pleurer dans l’Evangile. La première occurrence se trouve dans St Jean qui décrit les pleurs de Jésus sur la tombe de Lazare alors même qu’Il s’apprête à le ramener à la vie. Or, c’est justement la mort de Lazare qui précipite le Seigneur vers Jérusalem et vers sa Passion. L’épisode de la réanimation de Lazare (plus exact que celui de Résurrection) vient confirmer les pharisiens dans leur volonté de se débarrasser de Jésus et provoquent l’acclamation du Christ par les habitants de Jérusalem. Les deux épisodes semblent donc très proches car ils participent tous deux du même mystère, nous conduisent tous deux à la contemplation d’un Dieu inattendu. Pourquoi Dieu pleure-t-il donc ? Comment le Dieu dont on chante sans cesse la Toute-Puissance, peut-Il pleurer ? Pourquoi pleure-t-Il devant le tombeau de Lazare alors même qu’Il va remettre son ami sur le chemin de la vie terrestre ? Pourquoi pleure-t-Il donc les malheurs d’une ville qu’Il pourrait bien sauvé par Sa seule Volonté ? Dieu n’est-il pas le Tout-Puissant ?
Eh bien non. Jésus vient nous révéler l’échec de Dieu, l’échec d’un Dieu qui n’est qu’amour et qui ne peut donc qu’aimer. Or les larmes du Christ viennent exprimer l’impuissance de l’amour devant le refus obstiné de l’Homme d’accueillir ce Dieu qui a soif de son amour. A chaque fois que Jésus pleure, c’est lorsqu’il voit l’échec et les errements de Sa créature. Devant le tombeau de Lazare, plus que son ami (qu’il va de toute façon retrouver peu après), c’est le spectacle de la mort, le triomphe de la Mort qui provoquent les larmes du Christ. Marthe et Marie en deuil, la lourde pierre qui clôt le tombeau, l’odeur du cadavre vieux de quatre jours, autant de paraboles de nos déchéances, de nos vies sans Dieu, de notre monde en attente, en sursis, de notre monde sans espérance qui se contemple lui-même dans la poursuite d’une existence toujours plus extériorisée, où le corps et l’être humains sont déchus au rang de l’animal, du robot, de l’objet. Jésus pleure devant les tombeaux qui nous enferment à l’extérieur de nous-même, qui enfouissent la semence divine sous un monceau de déchets, dans une terre aride où la Promesse ne peut prendre racine. Les larmes de Jésus devant le tombeau de Lazare, ce sont les mêmes que celles versées sur Jérusalem. Ah ! Si en ce jour tu avais compris, toi aussi le message de Paix ! Mais non il est demeuré caché à tes yeux !
Ces larmes, ce sont celles d’une mère devant l’échec de son enfant, celles de la personne trompée par l’être aimé entre les mains duquel elle avait déposé tout son amour. Cet enfant appelé à devenir cathédrale, à devenir une valeur n’a pas répondu à sa vocation et a couru à sa perte ; l’être aimé investi de toute la confiance de son compagnon ou de sa compagne, a trahi l’attente de l’amour par son infidélité. Pourtant que feront la mère ou le compagnon bafoué ? Ils ne penseront pas à leur déshonneur, ils n’auront plus qu’un désir : aimer, aimer toujours plus pour faire contrepoids au refus d’amour. C’est ce que fait Dieu dans l’offrande du Calvaire. La Croix secrète parmi nous dit Maurice Zundel c’est l’offrande d’amour de cette mère ( ou du compagnon bafoué) car Dieu est plus mère que toutes les mères (plus époux que tous les époux) puisque tout ce qu’il y a de tendresse dans le cœur des mères n’est qu’un lointain rejaillissement de Sa tendresse. A l’aveuglement des hommes, Jésus vient opposer son amour. C’est ce que les disciples et les gens de Jérusalem, emportés de joie par la Résurrection de Lazare n’ont pas perçu. Ils n’ont pas vu que Lazare sortant du tombeau, c’était plus qu’un miracle. Ils ont cru à un acte de la Toute-Puissance qui consent après moult réclamations à faire jaillir l’immensité de son pouvoir. Ils ne savaient pas qu’en faisant sortir Lazare du tombeau, Jésus ouvrait la porte de sa propre tombe. En venant remettre Lazare sur le chemin de la vie, le Seigneur prenait la route de Jérusalem et du Calvaire. Il se livrait à ses persécuteurs en donnant du crédit à leurs accusations. En attendant la mort de Lazare pour intervenir, Jésus a voulu montrer combien aimer davantage par le don de soi est la seule réponse à donner à la mort de l’être.
Or comme les habitants de Jérusalem, nous ne vivons pas suffisamment du vrai Dieu, comme eux, nous avons du Seigneur une vision toute extérieure, nous ne voyons pas les larmes et la Croix du Christ en nous, nous ne ressentons pas du plus profond de nos entrailles combien Dieu est en péril pour reprendre le mot de Maurice Zundel. Alors comme eux nous chantons ; le dimanche à l’église, nous exécutons de belles cérémonies. Mais avons-nous compris que Dieu n’est pas un magicien et les sacrements des potions qui viendraient conforter notre moi égoïste ? Avons-nous compris qu’adorer Dieu, c’est, à la suite des saints, venir panser les plaies du Crucifié ? Sommes nous prêt comme Marie à devenir terre de la Promesse, berceau de l’Eternel Amour ? Comme Ste Véronique à dépasser nos limites pour venir essuyer le visage agonisant du Christ en nous et en chacun de nos frères ?
Aelred
Prière
Puisse l’Esprit-Saint maintenir notre vigilance pour nous empêcher de nous distraire du Christ et par là même de le crucifier à nouveau. Puisse l’Esprit-Saint faire de nous des veilleurs de Dieu au cœur de ce monde. Amen.
Autres lectures : Psaume 21 , Esaïe 50 : 4-7 , Philippiens 2 : 6-11