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Publié le décembre 20th, 2011 | par Carrefour des Chrétiens Inclusifs

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Prédication sur l’histoire d’Emmaüs

Au cours de la célébration inclusive organisée la veille de la Marche des Fiertés 2011, la présidente du CCI, Marina Zuccon, avait fait une belle prédication que nous avons souhaité partager avec vous.

Nous venons de lire l’histoire des disciples d’Emmaüs et la première remarque qui me vient est que c’est long. Vingt-deux versets. Il aura fallu à Luc vongt-deux versets pour décrire la rencontre entre Jésus et ses deux disciples. En fait, cette histoire raconte quelque chose de plus difficile, de plus délicat qu’une rencontre, c’est en effet l’histoire d’une reconnaissance. Et « reconnaître » c’est toujours long et plein de difficultés.

Revenons à notre : les deux disciples qui s’éloignent de Jérusalem sont encore tout pris par ce qui s’est passé. Pendant tout le chemin, ils n’arrêtent pas d’en parler entre eux et quel est leur étonnement quand ils se rendent compte que cet homme qui leur parle ne sait rien. Ils s’empressent alors de le mettre au courant. Ils lui parlent de ce qui s’est passé, ils lui parlent de Jésus et ils lui racontent qu’il était un prophète puissant en œuvres et en paroles. Mais ils espéraient plus qu’un prophète, ils espéraient celui qui allait les délivrer. Ils espéraient le Messie. La conclusion à laquelle ils sont arrivés, et qui les a peut-être poussé à partir, à quitter les autres disciples, ils ne l’explicitent pas, mais c’est tout comme : Jésus était un prophète et non le Messie. Ils sont déçus, ils n’ont plus d’espoir.


Nous le savons, le Messie qu’Israël attendait, celui qui allait les délivrer, n’est pas encore arrivé. Celui qui est arrivé, on ne l’attendait pas.

Ils marchent avec lui et leur yeux, comme le dit le texte, étaient empêchés de le reconnaître, comme cela arrivera encore d’autres fois après sa résurrection : apparemment personne ne le reconnaît spontanément.

Mais pourquoi ? Pourquoi le voient-ils, lui parlent-ils mais ne le reconnaissent-ils pas ?


Peut-être est-ce une question d’image, de décalage entre leurs images, celles qui remplissent leur esprit et l’événement inattendu. Ce décalage n’est pas une exclusivité de la résurrection, mais plutôt une constante du rapport qui existe entre les idées, les théories et la réalité telle quelle advient.


Or quand nos idées, nos théorie, plutôt que de rester ouvertes à l’inattendu et à la vie veulent s’imposer à elle, l’obliger à rentrer dans des cases, la contraindre, elles la flétrissent, elles la mortifient. C’est vrai aussi dans nos vies. Combien de fois cherchons-nous à ressembler à des images que nous chérissons plus qu’à notre vrai nous-même ? Nous avons tous souhaité être autre chose que ce que nous sommes, plus grands, plus belles, plus hétéros…

Combien de fois avons-nous nié notre identité pour essayer de ressembler à une image qui nous était proposée, une image que nous avions en nous ? Une image de personnes bien intégrées, qui vont toujours bien. Une image des personnes lgbt bien propres sur elles, ou d’autres images encore, je vous laisse le choix. Elles ont été toujours foule chez les humains de tous les temps comme l’histoire d’Emmaüs nous le montre.


Les images, les concepts, les idées sont des trésors qui permettent aux hommes de communiquer, de se parler, mais elles peuvent se transformer en des cages dorées si nous croyons qu’elles sont la règle que le monde doit suivre, doit subir.


Dans l’esprit des disciples, c’est l’image du Messie puissant qui leur cache la vue, qui les empêche de le voir et de le comprendre. Cette image écrase l’expérience vécue par Jésus, et la rend invisible, incompréhensible jusqu’à le rendre lui-même invisible pour ces disciples. Ils ne le voient pas car ils ont une autre image de lui, un autre souvenir qui ne correspond pas à ce que Jésus est devenu.


Alors Jésus leur parle, il en appelle aux écritures, il y cherche les textes qui dessinent un autre Christ, une autre image du Messie. Il déconstruit ainsi petit à petit leurs certitudes, il fait de la place pour qu’ils puissent l’accueillir, le voir le moment venu. Il fait don de sa vérité, une vérité qu’il ne garde pas pour lui comme son trésor, mais qu’il partage avec ses disciples. Jésus fait son coming-out et c’est un acte de générosité de se faire connaître en vérité.


Et Jésus explique : les livres de Moîse, de tous les prophètes, dans toutes les écritures, il leur interprète ce qui le concerne. Mais cette nouvelle connaissance que ces deux disciples ont acquise en marchant avec lui, en l’écoutant parler ne leur permet encore pas de le voir. Ils se sont attachés à lui, ils lui demandent de rester avec eux, mais ils ne le reconnaissent toujours pas.

Qu’est-ce qui provoque le déclic, qui leur permet finalement de le voir ?

C’est un geste, quoi de plus humble qu’un geste ? Mais c’est en raison d’un geste que « Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ». Un geste, parle de l’intimité avec une personne, du temps passé ensemble. Pour saisir un geste il faut une mémoire attentive, une mémoire attentionnée.


Et c’est du cœur que parle le texte, d’un pressentiment du cœur, leur cœur « était brulant quand il leur parlait en chemin ». C’est une attention qui donne de la valeur. C’est une attention qui reconnait. La reconnaissance est un acte de la pensée qui pour se faire à besoin d’un élan du cœur.


La reconnaissance c’est une question de valeur, de cette valeur que je donne et qui fait que je suis suffisamment attentif à un geste, c’est parce que c’est important pour moi que je suis à l’affut d’un geste.

Reconnaissance, toutes les femmes, tous les hommes, demandent de la reconnaissance. Nous aussi.
Chacun de nous, nous tous, dans chaque jour de notre vie. Nous le faisons en marchant chaque année dans les rues des villes du monde. Ce peuple en marche demande bien plus que d’être toléré, bien plus que d’être accepté, il demande à être aimé, car il est profondément aimable.


Cet amour est un acte de justice, c’est une justice qu’on doit aux peuples arc en ciel, mais c’est un acte de justice qu’on doit à l’humanité, c’est un acte de justice qu’on doit à la création. C’est l’élan du cœur, quelque chose qui est enraciné dans les profondeurs de la vie, qui a finalement permis aux deux disciples de reconnaître Jésus, leur Messie, dans l’homme qui leur parlait, de rebrousser chemin et de revenir pour finalement témoigner aux autres de ce qu’ils avaient vu.


Aurons-nous aussi le courage, l’humilité, la générosité de nous reconnaître de la valeur, de témoigner ?

Je suis aujourd’hui reconnaissante à cette assemblée œcuménique et à la paroisse de Saint-Merri de m’avoir invitée à prêcher moi, une femme, lesbienne, protestante.


Permettez-moi pour terminer de m’arrêter sur le sens de ce mot : « protestant ». Il signifie « être témoin à faveur » « témoigner pour ». C’est la fin de cette longue marche de la reconnaissance : témoigner pour, dire du bien de.


J’ai écouté le 9 avril à Strasbourg, Gerard Siegwalt, théologien protestant qui, parlant de l’homosexualité, utilisait une formule que je vais lui voler, il parlait de destinée homosexuelle, une destinée qui devait être réunie à la destinée hétérosexuelle pour pouvoir finalement voir l’humanité dans son intégrité.


Nous sommes ici aujourd’hui réunis pour protester, pour témoigner de notre foi qui ne saurait être un christianisme d’hommes amputé de femmes, un christianisme blanc amputé des noirs, un christianisme de riches amputé des pauvres, un christianisme hétérosexuel amputé des peuples arc-en-ciel.

Nous sommes ici témoins de notre foi, nous sommes ici témoins de la valeur que nous reconnaissons à nos vies homosexuelles, bisexuelles, transexuelles, nous sommes ici témoins devant notre Dieu, nous serons peut-être demain témoin dans la ville, car nous nous reconnaissons hommes et femmes de valeur, car Celui qui a de la valeur nous a créés.


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